Page:Richet - Traité de métapsychique.djvu/783

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milliers et des milliers d’expériences établissent une relation si étroite entre le cerveau organe et l’intelligence fonction, qu’on ne peut admettre la persistance de notre fonction intelligence sans l’organe cerveau plus que la sécrétion rénale sans le rein.

2° Le mot survivance signifie survivance de la conscience ; car, s’il n’y a ni conscience, ni mémoire, la survivance est sans aucun intérêt. Nous savons parfaitement que les atomes de carbone, de phosphore, d’hydrogène, d’oxygène, d’azote et de soufre qui constituent notre corps sont immortels. Mais que nous importe ? Que l’hypothétique force vitale ou âme survive, si la mémoire de mon moi a disparu, cette survivance animique m’importe aussi peu que la survivance de mon phosphore cérébral. Or d’innombrables faits ont prouvé que la mémoire est une fonction qui disparaît très vite, que l’asphyxie, l’anémie et les poisons l’altèrent tout de suite. Elle est très fragile ; elle diminue rapidement avec l’âge. Survivre sans avoir la souvenance de son vieux moi, ce n’est pas survivre.

Et puis qu’est-ce qui survivra de ce moi ? Le vieillard, tombé en enfance depuis trois ans, aura-t-il le moi de sa vigueur intellectuelle ou le moi de sa décrépitude ? Le moi d’un individu qui bégayait continuera-t-il à s’exprimer en bégayant dans l’Au-delà ? Quelles puérilités !

Maeterlinck a exprimé cette difficulté en termes excellents. « Ce moi, si incertain, si insaisissable, si fugitif et si précaire, est tellement le centre de notre être, nous intéresse si exclusivement que toutes les réalités de notre vie s’effacent devant ce fantôme. Si la mémoire de quelques faits, presque toujours insignifiants, ne nous accompagne pas…, il m’est égal que les parties les plus hautes, les plus libres, les plus belles de mon esprit soient éternellement vivantes et lumineuses dans les suprêmes allégresses ; elles ne sont plus moi : je ne les connais plus. La mort a tranché le réseau de nerfs ou de souvenirs qui les rattachait à je ne sais quel centre où se trouve le point que je sens être tout moi-même. »

Cela ne signifie nullement la négation de forces intelligentes sans cerveau. Mais ces forces intelligentes hypothétiques qui ne sont pas sous la dépendance d’un substratum matériel, n’ont rien de commun avec l’intelligence humaine.

3° Il y a tous les degrés entre la reproduction presque parfaite,