Page:Richet - Traité de métapsychique.djvu/784

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presque adéquate, d’une personnalité ayant existé, comme Georges Pelham — phénomène extrêmement rare, presque unique — et la création d’une personnalité factice, manifestement factice, phénomène extrêmement commun, mille fois observé. Je suggère à A… qu’elle est une petite fille nommée Madelon Martin, nom et personnage qui ne possèdent de réalité que dans ma fantaisie, et alors aussitôt la voilà devenue Madelon Martin. Si par hasard une Madelon Martin a existé ou existe encore, et si A… a connu cette Madelon Martin, elle en reproduit aussitôt avec une merveilleuse et fidèle précision les souvenirs. Quoi d’étonnant alors que, si, par quelque auto-suggestion imprévue, Mad. Piper s’est imaginé être Georges Pelham, elle en retrouve, grâce à sa merveilleuse cryptesthésie, les goûts, les intonations, les passions et les souvenirs.

Assurément, si A… n’a pas connu Georges Pelham, et si elle reproduit fidèlement la pensée de Georges Pelham, il faudra supposer à A… — et nous pouvons le faire, puisque nous n’en connaissons pas les limites, — une cryptesthésie intense, prodigieuse. Alors la personnalité de Georges Pelham paraîtra revenir intégralement, et cependant cette personnalité, malgré ses affirmations réitérées, est peut-être aussi factice que les autres. Peut-être cette personnification de Georges Pelham n’est-elle due qu’à une vaste et magnifique lucidité.

Comme tous les degrés dans les personnifications se peuvent observer, il s’ensuit que très rarement, — jamais pour ainsi dire, — les personnalités qui se manifestent ne revêtent la forte individualité de Georges Pelham, conforme au Georges Pelham qui a existé. Quelquefois, comme lorsqu’il s’agit de Phinuit, le prédécesseur de Georges Pelham, les personnalités sont des créations imaginaires. John King est probablement une fantaisie d’Eusapia, comme Rector, Imperator, Mentor, sont des fantaisies de Stainton Moses. Par la suggestion hypnotique on provoque facilement la production des personnalités les plus baroques. La seule différence entre le somnambule et le médium, c’est que, chez le médium, au lieu d’être la suggestion verbale imposée par le magnétiseur, c’est une autosuggestion dont les racines sont inconnues. Puisqu’il est impossible d’accepter comme authentiques les personnifications enfantines de l’hypnotisme vulgaire, pourquoi accepter celles qui sont