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80 MÉTAPSYCHIQUE SUBJECTIVE

réel. A... voit une nuit dans son sommeil apparaître B... son ami, pâle comme un cadavre. A... inscrit le prénom de B... sur son car- net, avec les mots : God forbid. Or, en ce moment même, B..., à l'autre bout de l'hémisphère, périssait dans un accident de chasse.

Et alors deux hypothèses — les deux mêmes hypothèses que tout à l'heure — se présentent. Ou c'est la notion du phénomène exté- rieur qui a été perçue par A... (à savoir que B. ., meurt d'un acci- dent) ; ou c'est la pensée de B... mourant qui, traversant l'espace, a été impressionner l'esprit de A...

Je n'ose prendre définitivement parti pour l'une ou l'autre de ces hypothèses, car elles me paraissent également mystérieuses, sup- posant, dans l'être humain, une faculté de connaissance qui ne rentre pas dans l'ordre de ses procédés de connaissance habituels. Pourtant j'estime qu'il vaut mieux rester dans le rigide domaine de la science, et dire, — ce qui n'explique rien, mais laisse la porte ouverte à toutes les explications futures— à certains moments notre esprit peut connaître des réalités que nos sens, notre perspicacité et nos raisonnements ne nous permettent pas de connaître. Parmi ces réalités, il y a évidemment la pensée humaine, mais la pensée humaine n'est pas une condition nécessaire. La réalité de la chose suffit, sans qu'elle ait passé par un esprit humain. N'allons donc pas plus loin, et contentons-nous de dire, en présence de ces faits inhabituels, que notre mécanisme mental, plus compliqué encore qu'il ne paraît, possède des moyens de savoir qui échappent à l'analyse, et même à la conscience. En parlant ainsi, on ne fait pas d'hypothèse. On ne suppose pas que la connaissance cryptesthésique est due à la vibra- tion d'une pensée humaine : on se coutente d'énoncer un fait. Or il est plus scientifique d'énoncer un fait sans commentaires, que de s'em- pêtrer dans des théories qui, comme la télépathie, sont absolument indémontrées.

Le mot télépathie implique une hypothèse. Le mot cryptesthésie a ce grand avantage qu'il n'en introduit aucune. Si A... voit son ami B... mourant, au vrai moment où meurt B..., c'est une hypothèse que de dire : la pensée de B... a été frapper A... Mais ce n'est pas une hypothèse que de dire :// y a eu chez A... une sensibi- lité spéciale qui lui a fait connaître la mort de B... La télépathie n'est nullement contradictoire avec la cryptesthésie : c'est une explica-

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