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vrait donc opposer aujourd’hui à la vélocité de l’accumulation et de la concentration une égale vélocité de désaccumulation. Or, on peut dire que rien n’a été fait en ce sens par les législations sur la propriété ; c’est tout au plus si l’on a, dans certains pays, institué la légitime, et sur une portion du patrimoine seulement. Mais si cette restriction, appliquée à de petits patrimoines et de petites propriétés, suffit à les diminuer, si elle les fractionné même excessivement (c’est ce qui se vérifie en France surtout), elle n’a, par contre, qu’un pouvoir de désagrégation dérisoire et presque nul sur les grandes fortunes des rois du capital. L’existence de ces fortunes, celles des milliardaires surtout, dans des pays où la légitime est appliquée, le démontre surabondamment. D’autant que les familles riches sont les moins prolifiques : elles ne comptent généralement pas plus de deux enfants ; bien souvent même elles n’en ont qu’un seul, destiné à hériter de ses parents et de ses proches non mariés. En des cas pareils, l’accumulation est éminemment favorisée au lieu d’être entravée.

Il y aurait d’autres objections encore à faire à l’institution de l’héritage : par exemple la diminution de richesse que cause l’oisiveté des héritiers, l’action délétère qu’exerce sur le caractère de ceux-ci la certitude de pouvoir vivre sans avoir besoin de se rendre utiles. Le sentiment de la solidarité s’émousse en eux, leur égoïsme s’exalte ; ils se pénètrent uniquement de l’idée