Page:Rignano, La question de l’héritage, 1905.djvu/55

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Le principe agissant dans une telle modification du droit de tester peut être considéré comme une généralisation de celui qu’a émis Huet[1]. Et, ainsi généralisé, on peut le définir un prélèvement progressif dans le temps que l’État ferait sur les successions. Actuellement, les droits progressifs ordinaires sont en quelque sorte progressifs dans l’espace, car ils s’appliquent aux patrimoines en raison de leur étendue. Selon le nouvel arrangement du droit de tester, les prélèvements sur les héritages seraient progressifs, non pas en raison de l’étendue ou de la grandeur

    héritées d’avec les autres (voir, par exemple, Achille Loria, « Archivio giuridico », mai-juin 1901, page 107 ; Camille Supino, « Il diritto commerciale », vol. XIX, page 659 ; Rodolfo Laschi, « Rivista italiana di sociologia », mai-juin 1901, page 389). L’État, en effet, sans avoir rien à démêler, aurait simplement à soustraire, de la valeur vénale totale de chaque patrimoine, le montant de la fortune que le défunt actuel aurait recueillie jadis par succession.

  1. Huet, en effet, accorde à l’accumulateur d’un patrimoine le droit plein et absolu de tester, tandis qu’il refuse entièrement à l’héritier le droit de disposer du patrimoine reçu en héritage (Règne social du christianisme, Paris, Didot, 1853, page 271). C’est là, on le voit, un cas particulier du principe ci-dessus, la progression étant en ce cas égale à 0/1, 1/1 (prélèvement nul de l’État à la mort de l’accumulateur et prélèvement total à la mort de son héritier immédiat). Cette proposition, à vrai dire, malgré l’excellent principe qui l’inspire, et indépendamment de toute autre considération sur la progression spéciale et unique qu’elle adopte, a le défaut capital de provenir de considérations métaphysiques supposant toutes l’absolu et négligeant la réalité des faits. Des considérations utilitaires auraient abouti à une formule plus générale et plus élastique, susceptible de s’adapter par ses applications, c’est-à-dire par des progressions infiniment diverses, aux conditions spéciales de milieux et de moments différents et capable de se conformer aux contingences particulières les plus disparates.