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Page:Rilke - La Chanson d'amour et de mort.pdf/10

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Feu de bivac. On est assis tout autour et l’on attend. On attend que l’un chante. Mais on est si fatigué. La clarté rouge est lourde. Elle repose sur les souliers poudreux. Elle rampe jusqu’aux genoux, elle regarde au dedans des mains jointes. Elle n’a pas d’ailes. Les visages sont obscurs. Pourtant les yeux du petit Français luisent un moment d’une clarté singulière. Il a baisé une petite rose ; et maintenant, qu’elle continue de faner sur sa poitrine ! Celui de Languenau l’a vu, parce qu’il ne peut dormir. Il songe : je n’ai pas de rose, pas de rose.

Ensuite il chante. Et c’est une vieille et triste chanson que chez lui les filles chantent dans les champs, à l’automne, lorsque les moissons vont finir.