toutes rares et de secrets tous étranges, qu’il y eût un homme dont l’existence, toute proche cependant, pût nous paraître à la fois aussi intime et irréelle qu’une enfance ensevelie au fond de nous.
Nous l’aimions ainsi, fantastique, familier, inconnu. Nous l’aimions, mais que savions-nous de lui ?
Nous savions qu’il était né à Prague, en 1875, d’une ancienne famille d’origine carinthienne, plusieurs fois transplantée de pays en pays. Destiné par ses parents à la carrière militaire, nous savions qu’il avait quitté, en 1890, l’École des Cadets, qu’il avait écrit ses premiers vers, tout en poursuivant de vagues études à Munich, à Prague, en Italie. Mais ensuite que devient cette existence qui s’ouvre bientôt à l’essentiel, à toutes les forces obscures qui inquiètent l’adolescence, à toutes les expériences douloureuses qui occupent une vie d’homme ?
En 1899, il découvre la Russie où tout lui semble familier :
« La Russie, écrit-il, c’est le pays où les hommes sont des hommes solitaires, dont chacun porte un monde en soi, chacun plein d’obscurité comme une montagne, chacun enfoncé dans son humilité, sans crainte de s’abaisser,