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Page:Rilke - Poésie (trad. Betz).pdf/13

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cueille-t-il pas ? Le voici à Rome, en Suède, au Danemark, en Algérie, en Tunisie, en Égypte… Il revient en France, repart. Nous le retrouvons à Venise, chez Éléonora Duse que désole encore le récent abandon de Gabriele d’Annunzio. Sur les bords de l’Adriatique, l’accueille le petit château de Duino, où la mer, jusqu’au sommeil du poète mêle les rythmes les plus amples des premières Élégies. Pour se rendre à Ronda, guidé par un pressentiment, il traverse l’Espagne, « gris pèlerin concentré en lui-même, sans laisser plus de trace que l’oiseau dans le ciel », écrira plus tard M. Antonio Marichalar.

Mais voici que la guerre, comme une large et profonde crevasse, va déchirer cette vie. Citoyen autrichien, Rilke doit en juillet 1914 quitter Paris, où tout ce qu’il possédait est placé sous séquestre et vendu. Années mouvementées et douloureuses durant lesquelles le poète, bientôt, dut complètement cesser d’écrire… Enfin, il peut se retirer en Suisse, dans la tour de Muzot qu’un ami, M. Werner Reinhart, fait aménager et met à sa disposition. « Un très petit château terriblement seul dans un vaste site de montagnes assez tristes ; des chambres antiques et pensives, aux meubles sombres, aux jours