Page:Rimbaud - Œuvres, Mercure de France.djvu/284

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compagnons, pauvres piteux ! accrocheront un nouveau chapelet de pendus aux bras de la forêt : le vent leur fera chandeaux dans le doux feuillage sonore : et vous, Sire, et tous ceux qui aiment le poète ne pourront rire qu’en pleurs en lisant ses joyeuses ballades : ils songeront qu’ils ont laissé mourir le gentil clerc qui chantait si follement, et ne pourront chasser Mérencolie !

Pipeur, larron, maistre François est pourtant le meilleur fils du monde : il rit des grasses souppes jacobines : mais il honore ce qu’a honoré l’église de Dieu, et madame la vierge, et la très sainte trinité ! Il honore la Cour de Parlement, mère des bons, et sœur des benoitz anges ; aux médisants du royaume de France, il veut presque autant de mal qu’aux taverniers qui brouillent le vin. Et dea ! Il sait bien qu’il a trop gallé au temps de sa jeunesse folle ! L’hiver, les soirs de famine, auprès de la fontaine Maubuay ou dans quelque piscine ruinée, assis à croppetons devant petit feu de chenevottes, qui flambe par instants pour rougir sa face maigre, il songe qu’il aurait maison et couche molle, s’il eût estudié !… Souvent, noir et flou comme chevaucheur d’escovettes, il regarde dans les logis par des mortaises : « — Ô, ces morceaulx savoureux et frians ! ces tartes, ces flans, ces grasses gelines dorées ! Je suis plus affamé que Tantalus ! — Du rost ! du rost ! — Oh ! cela sent plus doux qu’ambre et civettes ! — Du vin de Beaulne dans de grandes aiguières d’argent ! — Haro ! la gorge m’ard !… Ô, si j’eusse estudié !… — Et mes chausses qui tirent la langue, et ma hucque qui ouvre toutes ses fenêtres, et mon feautre en dents de scie ! — Si je rencontrais un piteux Alexander, pour que je puisse, bien recueilli, bien débouté, chanter à mon aise comme Orpheus le doux ménétrier ! Si je pouvais vivre en honneur une fois avant