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LA MER ET LES POISSONS.

saurait être poissonneuse à proportion des besoins de la consommation, si les procédés de récolte dont nous y faisons usage atteignent et retiennent, tout à la fois, le fruit mûr, le fruit vert et la semence à peine éclose.

Si nous délaissions la pêche immodérée pour revenir à la pêche modérée, à la pêche intelligente, celle qui, au lieu de saccager les foyers producteurs, ménage la production en en épargnant les germes, si, pour le dire en termes techniques, nous nous interdisions absolument, dans nos eaux, l’emploi des filets de traîne pour ne recourir qu’à des filets dormants ou flottants et aux cordes, il est probable, il est même certain, que, en peu d’années, notre pêche côtière serait aussi productive qu’elle l’est peu aujourd’hui.

Voilà les idées que nous voudrions voir faire leur chemin dans l’esprit public et monter jusque vers les hautes régions gouvernementales avec une salutaire inspiration ; car, s’il est une chose à souhaiter, dans l’intérêt de la subsistance des peuples, c’est que les gouvernants et les gouvernés se pénètrent de cette vérité vraie que, pour devenir une industrie largement nourricière, la pêche sur les côtes doit remplacer ses engins follement pillards par des appareils intelligemment captureurs.

« La rareté du poisson, dit M. le docteur Turrel, dans les Annales des Voyages — mois de décembre 1868 — c’est la cherté des autres comestibles et c’est la misère pour les classes les plus nombreuses. Un pareil mal ne saurait rester sans remède. »

C’est convenu, mais, nous le répétons, il n’y a point à songer que les pêcheurs appliquent eux-mêmes le remède dont on sent la nécessité. Des travailleurs qui gagnent à peine le pain de leur famille à tirer tout ce qu’ils peuvent de leur œuvre journalière, sont plutôt entraînés à activer leur labeur qu’à le ralentir. La conscience se tait facilement lorsqu’elle se trouve aux prises