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LA MER ET LES POISSONS.

Les produits marins sont généralement incultivables.

La culture de ces produits est non seulement inutile, mais encore dangereuse ; inutile, parce que l’action naturelle y suffit ; dangereuse, parce que notre intervention, dans un ordre de choses qui la repousse, n’a et ne peut avoir d’autre résultat que celui de contrarier et d’arrêter l’œuvre de la nature.

C’est improprement que l’on nomme aquiculture une industrie ne produisant rien et qui est, au contraire, une cause de ruine pour les foyers de peuplement des eaux libres dont elle exploite la production en lui faisant subir un déchet de quatre-vingt-dix pour cent au moins, sans compter le préjudice qu’elle porte à la multiplication du poisson local.

En effet, les essais de culture tentés sur divers rivages, durant une période de plus de deux mille ans, n’ont abouti qu’à des pratiques d’élevage de quelques-unes des espèces qui n’émigrent pas.

Ces pratiques ne sont donc que le monopole, entre les mains de quelques particuliers, des fruits de l’œuvre générale appartenant à tous. Elles sont un expédient commercial et non, ainsi que l’on voudrait le faire croire, un moyen d’accroissement des ressources alimentaires que la mer nous fournit.

Puisque la faune marine parvient à son complet développement, sous la seule influence de la nature, et accumule ses moissons précisément dans les parties du lit de la mer qui sont accessibles aux instruments de récolte, il est évident que de notre manière d’opérer la capture de ces précieux épanchements de richesse dépend leur abondance ou leur insuffisance.

Non plus que la terre, la mer ne peut produire abondamment si la semence lui fait défaut. Conséquemment, elle ne