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LA MER ET LES POISSONS.

des côtes, la procréation y est cependant si vigoureusement constituée, si prodigalement généreuse, que, pour faire jaillir de cette source une abondance intarissable, il suffirait de nous astreindre à y puiser avec un peu de cette prévoyance ménagère que nous apportons à garantir l’ensemencement de nos champs ruraux et la maturité de leurs moissons.

C’est trop difficile, paraît-il. Substituer la règle au dérèglement, la prévoyance à l’insouciance, renoncer à de grossières routines, c’est en effet bien difficile, quand l’homme est ainsi fait ou qu’il préfère souffrir de ses mauvaises habitudes que de s’en séparer. Ne demandez donc point à l’industrie des pêches d’abandonner ses procédés dévastateurs, les méthodes presque sauvages dont elle use pour opérer la capture des produits de la mer. L’habitude est une puissance qui n’abdique jamais volontairement ; elle ne peut être renversée que par une révolution.

D’où viendra la révolution appelée par la nécessité de procurer la subsistance à cet accroissement de générations humaines dont le sol de la vieille Europe sera bientôt tout couvert ? Grave et anxieux problème, souvent agité, dans ces derniers temps, mais toujours laissé sans solution.

En vain la science, alerte à veiller sur les intérêts de l’Humanité, a-t-elle tenté de le résoudre en essayant de multiplier et de propager les fruits des eaux par une sorte d’imitation de l’art agricole : cette idée peu pratique, conçue dans un laboratoire imparfaitement ouvert aux notions de l’expérience, n’a abouti qu’à frapper la semence du poisson et celle des mollusques d’une nouvelle cause de destruction. Il s’agissait de trouver méthodiquement un moyen sûr d’augmenter ces ressources alimentaires, et nous ne sommes parvenus qu’à découvrir un procédé infaillible à les amoindrir. Nous poursuivions l’abondance et nous nous sommes égarés dans le chemin qui mène à