C’est, en effet, dans cet espace très-restreint, comparativement à l’étendue et à l’épaisseur de la masse d’eau océanique, que les principes vivifiants de la faune marine se résolvent en une incommensurable magnificence de produits divers ; c’est là et non dans les profondeurs inabordables de l’abîme, que s’accomplit la révolution des lois naturelles qui assurent à la terre la jouissance des biens de la mer, en les fixant ou les faisant converger invariablement dans le périmètre des rivages.
Nous mettons nos rêves à la place de la réalité lorsque nous refusons de reconnaître les bornes auxquelles s’arrête l’élaboration des aliments que l’Océan doit à son insatiable commensale l’Humanité ; nous manquons de clairvoyance lorsque, mesurant la fertilité des eaux à leur immensité, nous prétendons qu’elle est inépuisable par cela seul qu’elle est si vaste.
Voyez jusqu’où descendent, sur le talus immergé des côtes, les dernières manifestations de la flore pierreuse de la mer. Vous trouverez là une profondeur de deux cent cinquante mètres, trois cents au plus. C’est ici que finit généralement la région poissonneuse ; c’est ici que commence le désert. De là aux grèves, la distance n’est pas très-considérable : vingt à vingt-cinq lieues pour quelques points où la déclivité du sol sous-marin est peu sensible ; quatre à cinq lieues et quelquefois bien moins, pour la plupart des autres rivages.
Telle est approximativement la largeur du champ élaborateur et récepteur des moissons marines, la zone dans laquelle la main de la Providence sème, fait croître, distribue et retient les récoltes, selon un ordre de suprême logique excluant toute combinaison auxiliaire et ne laissant à l’homme que le soin de disposer des bienfaits de l’œuvre naturelle.
Mais si la région poissonneuse est infiniment plus réduite qu’on ne le croit, si elle ne va guère au-delà des prairies qui se développent en un vert ruban sous la nappe d’eau voisine