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PRÉFACE 21


de mon âme m’était ravie, partie avec Lui loin du foyer, de la sécurité ; et les sanglots de désespoir s’échappant de ma poitrine attestaient déjà l’énorme part de moi-même qui avait fui (1).

Isabelle Rimbaud dès lors se connaît. Elle comprend qu’elle ne vit que pour ce frère dont l’existence devait être un perpétuel départ.

Comment se risquer à parler de cette passion si pure, de ce beau joyau d’amour fraternel, alors que celle-là même qui en ressentit les palpitations a écrit les plus émouvantes lignes, les pages les plus poignantes sur cette affection où le dévouement et l’abnégation d’une sœur aboutissent à un véritable dédoublement et la font vivre à toute heure avec l’absent.

Et ce sont pour tous deux les rudes années qu’ Isabelle Rimbaud a si puissamment dépeintes. Ce sont, à des milliers de lieues de distance, pour la sœur comme pour le frère, les peines, les labeurs, les privations, puis la catastrophe, survenant au moment où l’on va toucher au but.


(1) Mon frère Arthur.