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sept jours

— En tout cas, François, c’est drôle, cet homme qui arrive de même à Saint-Julien puis qui dit pas c’qui vient faire. Il est allé voir personne ?

— Non, personne. Mme Mongrain l’a vu ; elle était là quand il est arrivé. Il est entré tout dret à l’hôtel.

— Quiens ! Mame Mongrain était là ! Elle le connaît p’t’être.

— Ben non ! Puisque j’t’ai dit que personne le connaît. Qu’est-ce tu vas chercher !

— Oh ! celle-là, avec ses airs d’enfant de Marie ! As-tu remarqué qu’elle s’est acheté une robe neuve la semaine passée. Si ça a du bon sens. Son mari ferait mieux de te payer les douze piastres qu’il te doit !

— Voyons, Célina, laisse donc mame Mongrain tranquille !

— Ah ! toé, du moment qu’on parle de mame Mon­grain, tu te sens plus. Y a pourtant pas de quoi. Ça se met des paquets de farde su’ les joues, ça se promène écourtichée dans les rues ! Comme ta Leclerc…

— Voyons, Célina…

— Y a pas de « voyons » : celle-là j’l’oublierai pas de sitôt !

— Ça fait combien de fois que je te dis…

— En tout cas, si tu penses que tu vas faire pareil avec celle-là ! Monsieur le Curé devrait lui défendre de se montrer.

La femme de François Perreault était sèche comme bardeau et pareillement pleine d’échardes. Quand elle se montait, on voyait battre les veines de son long cou, pleines de fiel sous pression.

Mais François Perreault repoussa son assiette. « J’ai plus faim ! » Il pensait à son billet.


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