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sept jours

qu’en ce dernier endroit il s’était attardé jusqu’à ce que le chat enfin sortît du sac, ce qui n’avait pas été sans peine. Il finit toutefois par en savoir le court et le long, à force de parler de tout et de rien.

— Ben, voyez-vous, m’sieu Baribeault, aux dernières élections on avait parlé de la loi su’ les vaches. Vous aviez promis qu’on serait tranquille, pi qu’on viendrait pas nous tuer nos vaches en disant qu’elles avaient la barticulose.

— Ben certain. Mais… c’est-y qu’il est venu un inspecteur ? Ça se peut pas. Je leur’z-ai défendu.

— Ouais, j’sais pas si c’est un inspecteur, comme vous dites ; mais y a une espèce de gars qu’est au village depuis trois, quatre jours. Pi i’paraît qu’y demande des questions. I’en a qui disent que c’en est un, un inspecteur ; d’autres, que c’en est pas. En tout cas, on n’aime pas ça. On pensait qu’en vous élisant, on serait ben tranquille ; c’est tout c’qu’on demandait. À c’t’heure c’est rendu qu’on est obligé de cacher nos vaches.

— Écoutez, mes amis, je vais m’en occuper tout de suite en rentrant à Québec.

— Ben, dérangez-vous pas. Laissez faire. Il y a Émilien qui a dit qu’il allait y voir.

Émilien, c’était le maire ; et le député n’était pas sans connaître les ambitions inavouées de ce jeune homme. Décidément, les choses se gâtaient.

Au village, c’était encore pis.

Le bruit courait — et il n’avait pas loin à courir pour faire le tour du canton — que maître François Perreault était « en mauvaises affaires » ; si mauvaises, disait-on, que poussé par le désespoir, il était allé chez les Sœurs, exigeant de l’argent tout de suite, faisant même des menaces. Lui-même en avait parlé, et en quels termes ! jusqu’à déclarer que les « Sœurs »