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l’immortel

17 juin — J’ai compris aujourd’hui pourquoi Il m’a refusé l’opération salvatrice.

Son sourire m’est revenu, puis le souvenir de son regard qui se faisait inquiet à mesure que j’insistais et que je lui faisais part de ma certitude.

Il n’a pas voulu parce que J’AI DÉCOUVERT LÀ UN SECRET, UN TERRIBLE SECRET, un de ces secrets qui font des médecins des êtres hermétiques que le monde entier entoure d’une anxieuse et crain­tive admiration.

J’ai trouvé le grand secret dont les médecins SAVENT que sa mise à jour ruinerait la médecine.

Car venu le jour où l’homme ne subira plus la secousse quotidienne du passage de la mort à la vie, du RÉVEIL, ce jour-là la mécanique humaine ne s’usera plus. Ce sera la mort de la maladie, la mort de la mort ; ce sera l’IMMORTALITÉ. Voilà ce qui l’a effrayé. ILS ne consentiront jamais. Peut-être même voudront-ils faire disparaître celui qui a péné­tré le secret terrible et tout-puissant.

20 juin — Il faut que je trouve un moyen. Il faut. IL FAUT.

22 juin — Rien ; toujours rien. Et mes réveils sont devenus d’une indescriptible épouvante. Je m’étonne que mes cheveux ne soient pas encore blancs.

25 juin — Comment n’y ai-je pas songé plus tôt ? Cela est tellement simple, tellement précis, tellement sûr. Plus encore certes que de se livrer entre les mains des médecins. Quand je songe que j’ai failli, après avoir avoué que je connaissais LE SECRET, me con­fier à leur trépan. Je ne me serais pas éveillé et la merveilleuse trouvaille eût été perdue.

Mais je tiens ma vengeance. L’humanité sera sauvée par MOI.