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l’héritage

d’épaules, il poussa résolument la porte. La femme en caraco se glissa derrière le comptoir gras où dans une vitrine s’étalaient quelques bonbons et d’économiques tablettes de tabac à chiquer.

— Je voudrais seulement savoir si c’est par ici la terre à défunt Baptiste Langelier ?

— Quoi ?

— Ben, on m’a dit que c’était quelque part par ici la terre à défunt Baptiste Langelier.

— Ah ! La terre à Baptiste Langelier !

— Oué, la terre à Baptiste Langelier !

Il avait répété machinalement, sans surprise, en homme habitué aux façons des gens simples.

— Comme ça, reprit-elle, c’est la terre à Baptiste Langelier que vous voulez savoir ?

Il ne répondit pas.

La femme disparut derrière une couverture lourde de poussière et qui, pendue dans l’embrasure d’une porte, servait de tenture. Au bout d’un moment, ce fut un homme qui se montra. Il regarda l’étranger d’un œil interrogateur.

Celui-ci reprit, une fois encore et sans impatience :

— Je voudrais savoir ou’s que c’est, la terre à Baptiste Langelier ?

— Baptiste Langelier ? Ben, il est mort, ça fait déjà quelque temps.

— Oué, je le sais. Mais sa terre ?

— Ben, j’vas vous dire : vous allez prendre le chemin à gauche, au pied de la butte. C’est ben facile, c’est la troisième après la calvette de travers.

— Bon, merci ben.

Quand il s’engagea dans le chemin, l’homme et la femme étaient à la fenêtre, derrière le rideau.

— C’est p’t’être ben lui, dit la femme.

— Ça a l’air à ça, répondit l’homme.