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Page:Ringuet - Le Poids du jour, 1949.djvu/105

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CHAPITRE

XV


OUI    vraiment, cet automne apporta à Michel des soucis nouveaux.

Et pourtant, cette époque de ses vingt et un ans était celle qui, vue autrefois de ses quinze ans, semblait devoir être la plus belle.

Mais la santé de sa mère lui causait de plus en plus d’inquiétude. Le fils se rendait compte des efforts que faisait Hélène pour afficher ce qu’elle croyait être le même sourire, mais qui la trahissait. D’ailleurs, elle traînait maintenant des heures au lit, le matin. Elle y avait même ajouté la sieste, sous prétexte d’une fatigue qui ne lui était certes point habituelle.

— Je veux me reposer pour me refaire une santé et une beauté, disait-elle en riant. On ne sait jamais. Peut-être quelque veuf viendra-t-il me demander en mariage. C’est pour cela que je me couche tôt et me lève tard. Si toutes les femmes faisaient comme moi !…

Elle en était rendue à se mettre au lit sitôt fini le souper ; et Michel s’était aperçu, pour être revenu un jour à l’improviste, qu’elle se levait à peine une heure avant midi, juste à temps pour lui préparer son repas.

Mais même ce régime prudent ne lui allait guère. Elle fanait de semaine en semaine et assez pour que Michel se rendit compte d’un changement si rapide. Ses lèvres étaient appâlies. Sa peau devenait mollement transparente, un peu cireuse. Ses cheveux dont elle avait été si fière et qu’elle soignait moins désormais, dans un abandon progressif de sa coquetterie ancienne, ces cheveux que Michel caressait toujours en l’embrassant, s’étaient éteints ; aux tempes, ils avaient pris ce gris terne, cendreux et sans douceur, qui vient aux blondes avec la maturité. Pour comble, ses dents s’étaient mises à se carier rapidement si bien qu’elle les avaient fait enlever et portait désormais deux râteliers dont le docteur Langevin était très fier mais qui blessaient Hélène dans son orgueil et dans son sourire.

Les derniers vendredis qu’elle était passée par les rues pour se rendre au marché, les hommes s’étaient retournés à son passage comme ils le faisaient autrefois. Mais cette fois leurs regards avaient été de surprise et un peu aussi de regret. C’est un été vivant qu’ils voyaient ainsi se flétrir. Tous obscurément s’étaient sentis naguère rafraîchis quand leurs yeux, et

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