cravates dans la vitrine du magasin Grosbois et il entendit claquer la porte puis le martèlement léger de ses souliers sur les madriers du trottoir.
— Bonjour, mademoiselle Georgette.
Il avait su qu’elle s’appelait Georgette, Georgette Paquin. Il n’avait cependant point osé l’appeler Georgette, tout court, comme il l’eût fait pour quelqu’une de l’endroit. Mademoiselle Paquin ? Trop impressionnant, trop cérémonieux. C’est tout cela qu’il avait calculé, pendant qu’il contemplait les cravates et les chemises et la guettait, fouettant son courage pour cet abord qui l’effrayait quelque peu. Non qu’il fut timide ; mais l’idée d’un refus possible, en plein jour et en pleine grande rue, faisait se cabrer son amour-propre.
— Tiens bonjour, Michel, dit-elle tout uniment.
Encouragé, il se plaça de façon à ce qu’elle dût s’arrêter. Elle enchaîna :
— … Pensez-vous qu’il fait beau !
— Oui. Vous vous en allez chez vous ?
— Oui… J’ai fini pour aujourd’hui.
— Si j’allais vous reconduire ? Je voulais justement prendre une marche.
— Si vous voulez.
Elle habitait rue Saint-Jean. Mais d’un commun accord ils décidèrent de continuer un peu plus loin. Vers la rivière.
Arrivés au pont, ils tournèrent à droite et s’engagèrent dans le chemin qui conduisait au moulin des Tourville.
De grands ormes groupés en bouquets inclinaient au-dessus de l’eau leur couronne de jeunes feuilles. Ils s’assirent un moment sur l’herbe courte encore et dont chaque brin luisait comme du métal dans la claire lumière de cette longue journée de juin. Ils tournaient le dos au village et n’avaient devant eux que le fossé profond où la rivière du Loup coulait ses eaux alourdies de glaise ; et à perte de vue, au delà, l’aire des champs avec ses avoines et ses blés qui, brefs encore, formaient un tapis ras d’un vert tendre. S’il se tournait vers sa compagne, Michel apercevait, plus loin, le cimetière du village : un champ plus petit que les autres, sans un arbre, et où parmi les stèles peu nombreuses et la floraison des croix de bois, les rares monuments de pierre avaient l’air de grosses bornes.
Georgette se tenait un peu penchée, montrant un profil agréable où la bouche très rouge et un peu grande faisait une tache luxueuse. Elle avait soigneusement relevé sa jupe de drap et laissait ainsi voir la cheville et l’amorce d’un mollet charnu.
De temps à autre et sans se retourner, elle regardait obliquement, du coin de l’œil et avec une coquetterie évidente, Michel qui, d’abord assis, avait fini par se coucher à plat ventre dans l’herbe. Lui, regardait avec