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HÉLÈNE ET MICHEL

délices le soleil allumer les cheveux de sa nouvelle amie. Ils parlaient de tout et de rien, des gens du village, de leur travail, des Trois-Rivières où Georgette avait grandi, de Montréal où Michel avait l’ambition d’aller. Elle écoutait plus qu’elle ne parlait, tandis que lui, tout au plaisir de cette heure complaisante, sentait monter en son cœur une force et des ambitions nouvelles.

Un tourbillon d’ailes hésita puis s’abattit sur une branche.

— Tiens, un mariage d’oiseaux, dit-il.

— Et… où sont les mariés ?

— À cette heure-ci… ils sont… partis en voyages de noces.

Ils se mirent à rire tous les deux, devinant ce qu’il n’avait pas osé dire.

Michel pensa qu’il serait bon de poser un baiser derrière l’oreille, dans la mousse des cheveux dont, en fermant les yeux, il crut deviner l’odeur lourde, entêtante et sensuelle. Mais ce désir en même temps lui était doux et paisible. Un émoi subtil fleurissait en lui sans qu’il pût reconnaître un sentiment encore imprécis et si nouveau pour lui.

Les notes de l’angelus passèrent au-dessus de leurs têtes, très haut dans le ciel, comme un vol d’hirondelles. Trois fois trois. Instinctivement, ils levèrent les yeux.

— Il faut que je rentre, dit Georgette calmement. Ma tante doit se demander dans le monde ce que je suis devenue.

Pour l’aider à se relever, il lui tendit les deux mains. Elle se fit tirer paresseusement, ne s’aidant point, laissant tout son poids porter sur les bras de Michel. D’un mouvement glorieux, il la mit debout.

Ils reprirent le chemin du village, suivant la rue principale que la fin de la journée animait un peu. Ils rencontrèrent tout le monde et Michel en fut heureux.

Comme elle montait le perron de sa demeure :

— Bonjour, Michel. Merci.

— Bonjour, Georgette… Merci !

Elle eut un sourire bref puis se mordilla la lèvre d’un geste dont il avait remarqué qu’il lui était coutumier. Elle avait ainsi l’air de goûter une cerise.

— Vous voulez que j’aille vous chercher des fois comme ça ? Il ajouta, en façon d’excuse :

— … Nous finissons de travailler en même temps. Et puis, il fait beau. C’est l’été.

— Bien sûr.