Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/16

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Combien d’autres Mannequins fantastiques dans les musées ! Ceux d’Amsterdam qui figurent en une sorte de galerie du costume, m’ont obsédé longtemps par leur gaucherie qu’on s’efforça de gracieuser pour singer les bonnes grâces et les belles manières des patineuses â manchons et des gentilshommes du siècle dernier portant à la fois l’épée au côté et le jonc volumineux à pommeau d’or.

Quelle extravagante collection n’eût-on pas faite en conservant et en léguant à de nouveaux amateurs les mannequins de magasin depuis le début du XVIIIe siècle ! Car le mannequin d’étalage remonte au moins à la fin du grand siècle et il serait curieux de retrouver aujourd’hui avec les gestes qu’on prêtait, et les attitudes familières qu’on communiquait à ces rudimentaires personnages, les types militaires et civils, aristocratiques et populaires qui se sont succédé en France dans la vitrine ou dans les boutiques des marchands et marchandes de modes, chez les coiffeurs, culottiers, bottiers et autres pourvoyeurs des élégances humaines. Quant aux Mannequins d’atelier, ils donneraient, on peut en être sûr, matière aux anecdotes les plus intéressantes. Comment Rembrandt, Rubens, Velasquez, Mignard, Van der Meulen, Boucher, Watteau, David ou Ingres se servirent-ils du Mannequin ? Quels types employaient-ils ? De quelle matière ces donneurs de gestes et de proportions étaient-ils faits ? — autant de questions qu’il serait curieux et agréable d’examiner en un livre de ce genre.

Au point de vue philosophique, le mannequin même donnerait son apport, car je crois me souvenir d’un dialogue assez célèbre dans la littérature anglaise, dans lequel un peintre, contemporain de l’incomparable Turner, dans une heure d’inquiétude sur son art, seul devant son æuvre interroge son mannequin qui, à sa grande surprise, lui répond, et émet des théories sur le beau, sur l’harmonie et sur la couleur qui sont d’une triomphale hardiesse et d’une souveraine logique. C’est ici