Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/79

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— Monseigneur, balbutia-t-il, c’est le Peuple… le peuple qui a envahi l’hôtel…

Le valet donna d’autres explications : la Bastille prise, les prisonniers délivrés, la populace’saccageant les maisons nobles environnantes… Lui résister aurait été folie…

— Alors ?

— Nous avons ouvert les portes, Monseigneur…

Au bout d’un instant tout bruit cessa. Le peuple s’était retiré, respectant quand même l’agonie du vieux gentilhomme. Celui-ci se leva et commanda à ses valets de le conduire, et au besoin de le porter ; jusque dans le salon blanc du premier étage.

Ils durent obéir.

Arrivé vers le salon, une force surnaturelle parut animer le moribond. Il repoussa ses domestiques et ouvrit la porte d’une main ferme. Les meubles en désordre, les glaces brisées, les rideaux arrachés, tel fut le spectacle qui frappa soudain ses regards. Mais il aperçut plus vite encore la grande armoire du fond ouverte et vide, et les membres épars de Lili qui jonchaient le sol, et dans quel pitoyable état ! La populace, furieuse de tout luxe inutile, avait exercé sa férocité sur cette figure de cire qui avait des diamants aux oreilles alors qu’elle n’avait pas de pain dans le ventre. Et jamais ennemi vivant ne fut traité avec une rage aussi cruelle.