Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/78

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lui parlait, et s’irritait, lorsque les gestes de la ballerine ne répondaient pas à ses questions. Il se levait, s’avançait vers elle pour la gronder doucement : Si parfois ii osait la toucher, le froid de cette chair artificielle le pénétrait soudain jusqu’au cœur. Il demeurait haletant, avec un éclair d’effroi dans les yeux, comme si la glaciale Mort eût tout à coup menacé sa ballerine bien-aimée. Et craintif ; pas à pas, reculait jusqu’au fauteuil dans lequel il s’abattait, avec la crainte de cette fatalité, enfant peureux qui sent la fragilité de son joujou.

Sa faiblesse devenait de plus en plus grande, tandis que l’âge augmentait. Il dut garder le lit. Vers les premiers jours de l’été, son médecin lui conseilla l’air pur, la campagne…

— Quitter Paris, jamais… répliqua le duc en se soulevant sur sa couche.

Sa résolution paraissait si innébranlable que le médecin n’insista pas. Mai et juin s’écoulèrent. L’hôtel semblait un tombeau. En Juillet, des rumeurs de plus en plus bruyantes parvinrent jusqu’à la chambre du moribond. II entendit des cris, des chants, le crépitement de la mousquetaire, puis un hourvari tellement violent que l’hôtel entier en trembla, Le vieillard dressa l’oreille, tandis qu’un regain de vigueur le pénétrait semblable au frémissement des anciens combats.

— Qu’est-ce que cela, Urbain ? demanda-t-il à son valet de chambre.

Celui-ci portait l’effroi le plus vif peint sur son visage.