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cation volontaire : Car le regret qu’il a d’auoir offencé ſon Createur, & le ſecret remors de la conſcience, ne ſe font pas moins ſentir à l’ame penitente, que les eſpines au corps qui en eſt picqué.


Rvmevr, ou Discorde. CXLVI


LEs Egyptiens repreſentoient l’vn & l’autre par vn homme armé, qui s’en alloit ſemãt la diuiſion de toutes parts, & dardoit vn Iauelot, cõme il ſe void peint icy.

Mais il ſemble qu’il ſeroit mieux d’en tirer le Tableau de la deſcription que les Poëtes en font d’ordinaire : Car ils l’eſtallent aux yeux, comme vne Fureur ſortie d’Enfer, qui a les cheueux eſpars, où s’entre-laſſent pluſieurs Serpens : Vne Robe de diuerſes couleurs, & le front ferré de Bandelettes ſanglantes.

Ce qu’on appelle Rumeur, Diſcord, ou Tumulte, eſt vn mouuement deſreglé, qui procede des vicieuſes inclinations de l’homme. Car l’on ne peut mettre en doute, Que l’Auarice, l’Ambition, la Ialouſie, & l’Inegalité, qui ſe rencontrent dans la condition & dans les humeurs, n’en ſoiente la premiere cauſe.

Cela nous eſt demonſtré par les couleurs de ſa Robe, la difference deſquelles ſignifie celle des opinions, qui ſe rencontrent rarement dans vne meſme iuſteſſe. Delà vient auſſi qu’il n’eſt point de lieu ſi ſolitaire où la Diſcorde n’habite. Ce qui a fait croire à quelques anciens Philoſophes, Qu’elle eſtoit le principe de toutes les choſes naturelles. Mais il faut tenir pour abominable celle qui tend à la ruine du bien public, & qui ne s’eſtudie qu’à faire eſclore les pernicieux deſſeins qu’elle couue, dont les Serpens qu’elle a ſur la teſte ſont les ſymboles.

M. de Malherbe.
   La Diſcorde aux creins de couleuures,
Peſte fatable aux Pontentas,
Ne finit ſes tragiques œuures
Qu’en la fin meſme des Eſtats.
  D’elle naſquit la Freneſie
De la Grece contre l’Aſie,
Et d’elle prirent le flambeau
Dont ils deſolerent leur terre,
Ces deux freres de qui la guerre
Ne ceſſa point dans le tombeau.