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CHEZ NOS GENS

il y a la sueur de leurs fronts ; dans chaque motte que ma charrue renverse, ils ont laissé quelque chose d’eux-mêmes. La patrie, c’est ça… Et je voudrais bien voir l’Américain qui viendrait prendre ma terre !

Il faut savoir que, pour l’oncle Jean, l’ennemi, quel qu’il fût, c’était l’Américain.

— Je vous entends, oncle Jean. C’est ici votre bien, un bien de famille, que vous aimez. Mais les livres disent que la patrie est bien plus grande que votre terre, qu’elle embrasse toute une contrée…

L’oncle hocha la tête.

— En général, faut se méfier des livres, dit-il ; il y a des mots qu’on ne comprend pas, et qui brouillent les idées. Les livres n’ont rien à faire ici. Écoute. Au sorouêt, il y a François le Terrien, et puis Pierre à Denis, puis d’autres voisins, et encore d’autres voisins ; au nordêt, il y a le grand Guillaume,