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LE POÊLE

histoires, et luttent à qui aura le plus d’esprit, à qui amènera le mieux un bon mot au bout d’un conte. Et la langue qu’on parle autour du poêle n’a rien du parler mièvre ou corrompu des villes ; c’est la langue rude et franche, héritée des ancêtres, et dont les mots « ne sont guère que du sens ».

Le poêle se souvient aussi. Il veut qu’on parle souvent des aïeux, qui les uns après les autres ont, à l’accoutumée, tiré leur touche devant sa porte, et dont il a éclairé de la même lueur les visages honnêtes. Le maître d’aujourd’hui, fils des anciens, et dont le front déjà s’argente vers les tempes, leur ressemble. Comme eux, la nuit venue, et les voisins partis dans la neige, il s’agenouille, avec la femme et les enfants, dans la bonne chaleur qui rayonne, sous le vieux Christ pendu à la muraille ; et le poêle, qui se souvient, mêle sa voix familière à la prière du soir.

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