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chez nous

— Oncle Jean, qu’est-ce que la patrie ?

Silencieux, il tira de sa pipe quelques touches encore ; puis, sans détourner le regard qui allait là-bas vers la forêt, et d’un geste montrant les champs, les prés, les bois :

— La patrie, c’est ça.

J’attendis que l’oncle expliquât ce geste et ce mot trop vagues. Un silence, et, lentement, avec des pauses, il continua :

— La patrie, mon fieu, ça date du temps des Français. Le premier de notre nom qui vint ici par la mer fut d’abord soldat ; dans l’armoire de la grand’chambre, il y a des papiers où c’est marqué, qu’il fut soldat. Mais il faut croire que, dans les vieux pays — il venait du Perche ; c’est comme qui dirait un about de la Normandie — il faut croire que là-bas, ses gens étaient cultiveux, et qu’il avait ça dans le sang, parce qu’aussitôt qu’il put il prit une hache et s’attaqua à la forêt comme