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chez nous

être un rude coup de collier. J’y ai souvent pensé, et je crois que c’est Julien, le deuxième du nom, qui a fait cela ; on conte qu’il était fort comme un bœuf, et il pouvait se faire aider, ses douze premiers enfants étant tous des garçons. Et la maison, ils l’ont logée sur la butte, où elle est encore — c’est le même solage — pour que de la porte je puisse voir jusqu’à la sucrerie. Ils ont pensé à tout : pour que, dans les grandes chaleurs, mes bêtes aient un peu d’ombre, ils ont laissé là cet orme… Je reconnais partout leur ouvrage. Chacun d’eux a fait ici sa marque, et l’effort de ses bras rend aujourd’hui ma tâche moins dure. Sous ma bêche le sol se retourne mieux, parce que l’un après l’autre ils l’ont remué ; dans le pain que je mange, et qui vient de mon blé, il y a la sueur de leurs fronts ; dans chaque motte que ma charrue renverse, ils ont laissé quelque chose d’eux-