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chez nous

Ma rivière était pure. Rien ne souillait son onde jeune et fraîche. Des champs traversés, elle n’apportait rien que d’honnête : un brin de foin, une feuille, une fleur descendait parfois le courant, mais sur son lit de cailloux comme sur le sable de sa grève, nulle ordure : on y buvait sans crainte, au creux de la main, une eau saine et bienfaisante.

Ma rivière était douce, loyale, et de bon conseil. Quand une peine passagère mettait de grosses larmes dans nos yeux, c’est auprès d’elle que nous cherchions un refuge : secrètement, elle nous consolait ; à son murmure familier, les petits cœurs pleins de sanglots se calmaient, tandis que d’une caresse toujours neuve le flot baignait nos pieds nus. Sans cesse elle variait ses jeux, bruissait contre les mousses, riait à travers les cailloux, descendait en cascatelle, et, avant de passer sous le pont, avant de s’en aller pour toujours dans