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LEGENDRE


Quand les feuilles tombent, frileuses,
Sous les grands arbres dégarnis,
Où vont les voix harmonieuses,
Qui chantaient dans les nids ?[1]


c’est qu’il tremble pour les fleurs, qui n’ont pas même,


…comme l’oiseau, des ailes
Pour fuir loin du jardin désert.


S’il ne s’arrête pas seulement à la froide beauté de nos hivers, mais parle aussi de leurs tourmentes, c’est pour se pencher sur les pauvres ; car


…Vous n’avez pas d’idée
Comme la neige fait souffrir ![2]


Legendre a pitié des malheureux, du pauvre monde, des âmes en peine. La pensée que quelque part on souffre, qu’on est faible, qu’on est petit, que peut-être on a faim, que peut-être on a froid, l’obsède ; le désir de soulager ceux à qui « tout est peine et misère, » le tourmente. Toujours il revient à ceux qu’il appelle les Souffrants, et la moitié de son œuvre est faite pour plaindre et consoler, pour inspirer aux riches, aux puissants, aux heureux du monde, l’amour des pauvres, des faibles, des affligés, et la charité qui soulage. Legendre est bon. Il s’intéresse aux plus misérables créatures, et le « souffle creux » de la bête qui râle sous le fouet lui fait mal. Mais la pauvreté, surtout, l’émeut, et jusqu’aux larmes si le pauvre est un enfant…


Car lorsqu’un enfant pleure, il me semble, ô mon Dieu,
Qu’un nuage de deuil monte sur ton ciel bleu ![3]


Les enfants… Ah ! qu’il les aimait, et comme avec grâce il en a parlé ! Aucun poète, chez nous, n’a su, comme lui, fixer dans ses vers leur naïve candeur, leur espièglerie, leur âme pure. C’est à eux surtout qu’il voulait inspirer des sentiments de bonté, des idées de justice. Les récits de son livre À mes enfants n’ont pas d’autre objet. Dans ces petits cœurs qui battent sans remords, dans ces petites têtes qui pensent sans peine, le poète des Perce-Neige puisait ses inspirations les meilleures. À tenir ses enfants sur ses genoux, à écouter leur babil et leur

  1. Hiems, les Perce-Neige, p. 73.
  2. La Neige, les Perce-Neige, p. 84.
  3. Les Souffrants, Mél., p. 132.