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SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA

rire, à plonger son regard dans l’azur de leurs yeux, il lui descendait dans l’âme une fraîcheur. Ô petites, dit-il, à Corinne et Mariette,


Ô petites, je n’écris bien
Qu’en vous regardant l’une et l’autre ;
Car, si j’en prends un peu du mien,
J’y mets aussi beaucoup du vôtre.

Avec vous, je n’ai pas besoin
De chercher les grandes pensées ;
Et je ne vais jamais bien loin
Trouver vos âmes empressées.

Nous nous parlons très librement,
— Nous connaissant de vieille date, —
Et j’apprends, avec vous, comment
Dire une chose délicate.

..........


Ah ! si, pour écrire ou parler,
On regardait toujours l’enfance,
Que de traits on saurait voiler,
Qui font plus de mal qu’on ne pense !

Petites, puissiez-vous toujours,
Pour éviter toute blessure,
Vous contenter de mes discours
Pauvres, mais au moins sans souillure.[1]


Autre amour : le terroir. L’œuvre de Legendre est pleine des choses de chez nous. Tout y est canadien, les paysages, les figures et les caractères, le cœur, l’esprit et l’accent. Et ce choix exclusif de décors, de scènes, de sentiments et d’émotions tirés de ce qui l’environne, ne paraît pas chez Legendre le résultat d’un soin particulier : on sent que le terroir est pour lui une source naturelle d’inspiration.

Depuis que Brizeux a créé cette poésie intime, familière, qui est « basée sur l’amour du sol et du foyer, » la foule des rimeurs s’y est essayée ; mais, chez plusieurs, l’amour du clocher, de la petite patrie, est tout de convention. Chez Legendre, rien de tel ; les hommes et les choses de chez nous seuls avaient de l’attrait pour lui, et il les a chantés comme il les connaissait, simplement et sans fard.

On ne peut cependant pas dire que Legendre fut un poète du terroir, comme on l’entend le plus souvent. La forte odeur de la terre n’a pas passé dans ses vers, et son but n’a pas été de montrer, suivant une expression de M. Maurice Barrès, la « nuance d’âme particulière » du

  1. À Corinne et Mariette, les Perce-Neige, p. 105.