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MANUEL DE LA PAROLE

tions précieuses, qui révèlent la manière de l’écrivain et qui guident le déclamateur dans l’interprétation d’un morceau. — Ex. :

Règne : de crime en crime, enfin te voilà roi. (Corneille.)

Ce vers, dit sans repos aux signes de ponctuation, n’a pas de sens.

Je croyais, moi, jugez de ma simplicité,
Que l’on devait rougir de la duplicité. (Destouches.)

Si l’on supprime la ponctuation dans ces deux vers, tout est confus.

2. Remarquons que la virgule qui précède les vocatifs courts, les mots mis en apostrophe, ainsi que les incises courtes, comme : dit-il, etc., même à la fin d’un vers, ne se traduit généralement que par une nuance de diction. — Ex. :

Je crains Dieu, * cher Abner, et n’ai point d’autre crainte. (Racine.)

Je crains Dieu, * dites-vous, sa vérité me touche. (Racine.)
Mais ce qu’on ne pourrait jamais s’imaginer, *
Cinna, tu t’en souviens et veux m’assassiner. (Corneille.)

3. De plus, le diseur ne doit pas se fier aveuglément à son auteur. Trop souvent, la ponctuation est mauvaise, et en la respectant, on risquerait de faire fausse route. Parfois aussi, la ponctuation, sans être défectueuse, est insuffisante. Ainsi, les ellipses sont rarement indiquées par la ponctuation ; on doit cependant les marquer par un silence ou une nuance de diction. — Ex. :

Ces transitions soudaines et inattendues causent toujours une grande surprise si elles se portent à quelque chose de plaisant, elles excitent à rire ; si * à quelque chose de profond, elles étonnent ; si * à quelque chose de grand, elles élèvent.
xxxxxxxxxx(Vauvenargues, parlant des saillies de l’esprit)