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Page:Rivard - Manuel de la parole, traité de prononciation, 1901.djvu/186

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MANUEL DE LA PAROLE

Au travers de son masque on voit à plein le traître ;
Partout il est connu pour tout ce qu’il peut être ;
Et ses roulements d’yeux, et son ton radouci,
N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.
On sait que ce pied plat, digne qu’on le confonde,
Par de sales emplois s’est poussé dans le monde,
Et que par eux, son sort, de splendeur revêtu,
Fait gronder le mérite et rougir la vertu ;
Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit pour lui personne.
Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
Tout le monde en convient et nul n’y contredit.
Cependant sa grimace est partout bien venue ;
On l’accueille, on lui rit, partout il s’insinue ;
Et, s’il est, par la brigue, un rang à disputer,
Sur le plus honnête homme on le voit l’emporter.
Têtebleu ! ce me sont de mortelles blessures,
De voir qu’avec le vice on garde des mesures ;
Et parfois il me prend des mouvements soudains
De fuir dans un désert l’approche des humains.

Molière.


RAPIDITÉ DE LA VIE


La vie humaine est semblable à un chemin dont l’issue est un précipice affreux : on nous en avertit dès le premier pas ; mais la loi est prononcée, il faut avancer toujours. Je voudrais retourner sur mes pas : Marche, marche. Un poids invincible, une force irrésistible, nous entraîne ; il faut sans cesse avancer vers le précipice. Mille traverses, mille peines nous fatiguent et nous inquiètent dans la route. Encore si je pouvais éviter ce précipice affreux ! Non, non, il faut marcher, il faut courir, telle est la rapidité des années. On se console pourtant, parce que de temps en temps on rencontre des objets qui nous divertissent, des eaux courantes, des fleurs qui passent. On voudrait