L’un des deux compagnons grimpe au faîte d’un arbre ;
L’autre, plus froid que n’est un marbre,
Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent,
Ayant quelque part ouï dire
Que l’ours s’acharne peu souvent
Sur un corps qui ne vit, ne meut ni ne respire.
Seigneur ours, comme un sot, donna dans ce panneau :
Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie ;
Et de peur de supercherie,
Le tourne, le retourne, approche son museau,
Flaire au passage de l’haleine.
« C’est, dit-il, un cadavre ; ôtons-nous, car il sent. »
À ces mots, l’ours s’en va dans la forêt prochaine.
L’un de nos deux marchands de son arbre descend,
Court à son compagnon, lui dit que c’est merveille
Qu’il n’ait eu seulement que la peur pour tout mal.
« Eh bien ! ajouta-t-il, la peau de l’animal ?
Mais que t’a-t-il dit à l’oreille ?
Car il t’approchait de bien près,
Te retournant avec sa serre.
— Il m’a dit qu’il ne faut jamais
Vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre. »
UN ÉVANGILE
En ce temps-là, Jésus, seul avec Pierre, errait
Sur la rive du lac, près de Génésareth,
À l’heure où le brûlant soleil de midi plane,
Quand ils virent, devant une pauvre cabane,
La veuve d’un pêcheur, en longs voiles de deuil
Qui s’était tristement assise sur le seuil,
Retenant dans ses yeux la larme qui les mouille,
Pour bercer son enfant et filer sa quenouille.