main sur lui en signe de réconciliation. « Quoi ! dis-je alors en moi-même, il y a donc des hommes qui décrottent les souliers des autres pour de l’argent ! » Ce mot d’argent fut un trait de lumière qui vint m’éclairer. Je me ressouvins tout à coup qu’il y avait longtemps que je n’en avais point donné à mon domestique. « Joanetti, lui dis-je en retirant mon pied, avez-vous de l’argent ! » Un demi-sourire de justification parut sur ses lèvres à cette demande. « Non, monsieur ; il y a huit jours que je n’ai pas un sou ; j’ai dépensé tout ce qui m’appartenait pour vos petites emplettes. — Et la brosse ? C’est sans doute pour cela ? » Il sourit encore.
Il aurait pu dire à son maître : « Non, je ne suis point une tête vide, un animal, comme vous avez eu la cruauté de le dire à votre fidèle serviteur. Payez-moi 23 livres 10 sous 4 deniers que vous me devez, et je vous achèterai votre brosse. » Il se laissa maltraiter injustement plutôt que d’exposer son maître à rougir de sa colère.
Que le ciel le bénisse ! Philosophes ! chrétiens ! avez-vous lu ?
« Tiens, Joanetti, lui dis-je, tiens, cours acheter la brosse. — Mais, monsieur, voulez-vous rester ainsi avec un soulier blanc et l’autre noir ? — Va, te dis-je, acheter la brosse ; laisse cette poussière sur mon soulier. »
Il sortit ; je pris le linge, et je nettoyai délicieusement mon soulier gauche, sur lequel je laissai tomber une larme de repentir.
LES DEUX BACHELIERS
Deux bacheliers logés chez un docteur
Y travaillaient avec ardeur
À se mettre en état de prendre leurs licences.
Là, du matin au soir, en public disputant,
Prouvant, divisant, ergotant
Sur la nature et ses substances,