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MORCEAUX CHOISIS

LE BARBIER DE SÉVILLE, A. II, SC. 8.


Bartholo, Basile.
BASILE

La calomnie, monsieur ! Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien, et nous avons ici des gens d’une adresse !… D’abord un bruit léger, rasant le sol comme l’hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille et piano, piano, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait ; il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait !

Beaumarchais



UN ENTERREMENT[1]


I.

Ce soir-là, chez Harvey, la foule était choisie ;
Les arts s’y rencontraient avec la poésie ;
Les rubans et les fleurs encombraient le salon ;
Au fond Lulli rêvait près de son violon,

  1. Un jour que La Fontaine dînait chez Madame Harvey, il s’attarda et n’arriva qu’à la nuit. Il s’était amusé à suivre l’enterrement d’une fourmi. (Taine. — La Fontaine et ses fables.)