Page:Rivard - Manuel de la parole, traité de prononciation, 1901.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
MANUEL DE LA PAROLE

Tout ce qu’on peut tirer d’une tête et d’un torse,
D’un cou, de bras, de pieds, de jambes et de mains ;
Tout ce qu’ils peuvent rendre, en fait de tours de force,
Par le déboîtement, la brisure et l’entorse,
Prit en ce pauvre corps des aspects surhumains ;

Aussi, quand il eut clos une dernière passe
Par son plus beau salut, tout pâle de chaleur,
Chancelant et cherchant le mur, la tête basse,
Avec des souffles courts dans sa poitrine lasse,
Voici que de nouveau parla le bateleur :

« Madame, disait-il, cet-exercice est rude,
Plus rude qu’il ne semble et que vous ne croyez !
Pour un travail pareil il faut beaucoup d’étude ;
On se rouille très vite, et, faute d’habitude,
On y peine un petit, comme vous le voyez. »

Alors, et nous entrons en plein dans la merveille,
Il se passa chose de vraiment inouï ;
Ce n’est pas seulement un pauvre homme ébloui,
Ce sont gens ayant tous bon œil et bonne oreille
Qui l’affirment : la Vierge en souriant fit : « Oui. »

Tous la virent, quittant le haut du tabernacle,
Descendre jusqu’au sol en un glissement doux,
Puis, le parvis atteint, y marcher comme nous ;
Et lui, l’humble, pour qui se faisait ce miracle,
La regardait venir, en ployant les genoux ;

Et comme il restait là, secoué jusqu’aux moelles,
Blanche dans le reflet des vitraux de couleur,
La belle Dame au front auréolé d’étoiles
Essuya, de l’ourlet auguste de ses voiles,
La sueur qui perlait aux tempes du jongleur.

De Borelli.