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MORCEAUX CHOISIS

Qu’un roi n’a d’autre frein que sa volonté même ;
Qu’il doit immoler tout à sa grandeur suprême ;
Qu’aux larmes, au travail, le peuple est condamné,
Et d’un sceptre de fer veut être gouverné ;
Que, s’il n’est opprimé, tôt ou tard il opprime.
Ainsi, de piège en piège, et d’abîme en abîme,
Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté,
Ils vous feront enfin haïr la vérité,
Vous peindront la vertu sous une affreuse image.
Hélas ? ils ont des rois égaré le plus sage.
Promettez sur ce livre, et devant ces témoins,
Que Dieu fera toujours le premier de vos soins,
Que, sévère aux méchants, et des bons le refuge,
Entre le pauvre et vous vous prendrez Dieu pour juge,
Vous souvenant, mon fils, que, caché sous ce lin,
Comme eux vous fûtes pauvre, et comme eux orphelin.

Racine.


LE PETIT MENDIANT


C’était un pauvre petit être
Que nul en ce monde n’aimait ;
Et lui-même, hélas ! ignorait
Eu quel lieu Dieu l’avait fait naître.
Il mendiait partout son pain ;
Et les enfants, dans les villages,
Le poursuivaient de leurs outrages,
En le voyant tendre la main.
Mais le petit, leur faisant face :
« Quel est donc celui qui me chasse ?
Leur disait-il d’un ton hardi,
La grande route est à qui passe ;
Et, sur ce sol, moi, j’ai ma place,
Car je suis Français, Dieu merci ! »