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MANUEL DE LA PAROLE

Un jour, non loin de la frontière,
Drapeaux au vent, tambour battant,
Il vit passer un régiment ;
Il entendit parler de guerre.
On acclamait les bataillons,
Tous les yeux brillaient d’espérance,
Et l’on criait : « Vive la France ! »
Il cria, lui, sous ses haillons.
« Pauvre petit, dans ta misère,
Que te fait la paix ou la guerre ? »
Lui dit un sceptique endurci.
L’enfant leva son œil sévère :
« Je n’ai jamais connu ma mère ;
Mais je suis Français, Dieu merci ! »

Aux jours de deuil, sur la ruine
D’un incendie encor fumant,
L’ennemi saisit un enfant
Qui tenait une carabine.
« Que vient faire ici ce gamin ?
Tu veux donc qu’on te fusille ?
Ton nom ? — Je ne sais. — Ta famille ?
— Je mendie et suis orphelin.
— Un vagabond ! Sous quelque pierre
Écrasez-moi cette vipère.
Est-ce un Français ? Est-ce un bandit ?
— Quand vous passâtes la frontière,
Cria l’enfant, à ma colère,
J’étais Français, je l’ai senti ! »

Le lendemain, dans les décombres
Cherchant les débris de leurs toits,
Quelques paysans aux abois
Se promenaient comme des ombres.
Auprès d’un vieux mur chancelant,
Couché dans sa gloire enfantine,
Un coup de feu dans la poitrine,