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MORCEAUX CHOISIS

C’est l’effroi de l’Asie ; et, loin de l’y chercher,
C’est à Rome, mes fils, que je prétends marcher.
Ce dessein vous surprend, et vous croyez peut-être
Que le seul désespoir aujourd’hui le fait naître.
J’excuse votre erreur ; et, pour être approuvés,
De semblables projets veulent être achevés.
Ne vous figurez point que de cette contrée
Par d’éternels remparts Rome soit séparée :
Je sais tous les chemins par où je dois passer ;
Et, si la mort bientôt ne me vient traverser,
Sans reculer plus loin l’effet de ma parole,
Je vous rends dans trois mois au pied du Capitole,
Doutez-vous que l’Euxin ne me porte en deux jours
Aux lieux où le Danube y vient finir son cours ?
Que du Scythe avec moi l’alliance jurée
De l’Europe en ces lieux ne me livre l’entrée ?
Recueilli dans leurs ports, accru de leurs soldats,
Nous verrons notre camp grossir à chaque pas.
Daces, Pannoniens, la fière Germanie,
Tous n’attendent qu’un chef contre la tyrannie.
Vous avez vu l’Espagne, et surtout les Gaulois,
Contre ces mêmes murs qu’ils ont pris autrefois,
Exciter ma vengeance, et, jusque dans la Grèce,
Par des ambassadeurs accuser ma paresse ;
Ils savent que, sur eux prêt à se déborder,
Ce torrent, s’il m’entraîne, ira tout inonder ;
Et vous les verrez tous, prévenant son ravage,
Guider dans l’Italie et suivre mon passage.
C’est là qu’en arrivant, plus qu’en tout le chemin,
Vous trouverez partout l’horreur du nom romain,
Et la triste Italie encor toute fumante
Des feux qu’a rallumés sa liberté mourante.
Non, princes, ce n’est point au bout de l’univers
Que Rome fait sentir tout le poids de ses fers ;
Et, de près inspirant les haines les plus fortes,
Tes plus grands ennemis, Rome, sont à tes portes.