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MANUEL DE LA PAROLE

MITHRIDATE, A. III, SC. 1.


Mithridate, Pharnace, Xipharés.
Mithridate

Approchez, mes enfants. Enfin l’heure est venue
Qu’il faut que mon secret éclate à votre vue ;
À mes nobles projets je vois tout conspirer ;
Il ne me reste plus qu’à vous les déclarer.
Je fuis : ainsi le vent la fortune ennemie.
Mais vous savez trop bien l’histoire de ma vie
Pour croire que longtemps, soigneux de me cacher,
J’attende en ces déserts qu’on me vienne chercher.
La guerre a ses faveurs, ainsi que ses disgrâces :
Déjà plus d’une fois, retournant sur mes traces,
Tandis que l’ennemi, par ma fuite trompé,
Tenait après son char un vain peuple occupé,
Et, gravant en airain ses frêles avantages,
De mes États conquis enchaînait les images,
Le Bosphore m’a vu, par de nouveaux apprêts,
Ramener la terreur du fond de ses marais,
Et, chassant les Romains de l’Asie étonnée,
Renverser en un jour l’ouvrage d’une année.
D’autres temps, d’autres soins. L’Orient accablé
Ne peut plus soutenir leur effort redoublé :
Il voit plus que jamais ses campagnes couvertes
De Romains, que la guerre enrichit de nos pertes.
Des biens des nations ravisseurs altérés,
Le bruit de nos trésors les a tous attirés ;
Ils y courent en foule, et, jaloux l’un de l’autre,
Désertent leur pays pour inonder le nôtre.
Moi seul, je leur résiste : ou lassés, ou soumis,
Ma funeste amitié pèse à tous mes amis ;
Chacun à ce fardeau veut dérober sa tête.
Le grand nom de Pompée assure sa conquête :