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Page 58. La multitude des Langues est fatale au génie.

Il faut apprendre une Langue étrangere, pour connoître sa Littérature, & non pour la parler ou l’écrire. Celui qui sait bien sa propre Langue, est en état d’écrire ou du moins de distinguer dix à douze styles différens ; ce qu’il ne peut se promettre dans une autre Langue. Il faut au contraire se résoudre, quand on parle une Langue étrangere, à être sans finesse, sans grace, & souvent sans justesse.

On peut diviser la Nation Française en deux Classes, par rapport à leur Langue ; la premiere est de ceux qui connoissent les sources d’où elle a tiré ses richesses : l’autre est de ceux qui ne savent que le Français. Les uns & les autres ne voyent pas la Langue du même œil, & n’ont pas en fait de stylc les mêmes données.

Page 60. Il n’est point d’Art ou de Profession.

La Religion Chrétienne qui ne s’est pas, comme celle des Grecs, intimément liée au Gouvernement & aux Institutions publiques, n’a pu annoblir, comme elle, une foule d’expressions. Ce sera toujours-là une des grandes causes de notre disette. L’Opera n’étant point une solemnité, ses Dieux ne sont pas ceux du peuple ; & si nous voulons un Ciel Poétique, il faut l’emprunter. Nos Ancêtres, avec leurs mysteres, commençoient bien comme les Grecs ; mais nos Magistrats qui n’étoient pas Prêtres, ne firent pas assez respecter cette Poésie Sacrée, & elle fut étouffée en germe par le ridicule.

La Religion, loin de fournir au Dictionnaire des