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Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/25

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talie ne se trouva plus que dans un coin de l’univers. Privée de l’éclat des armes et des ressources du commerce, il ne lui restoit sa Langue et ses chefs-d’œuvre : mais, par une fatalité singuliere, le bon goût se perdit en Italie au moment où il se réveilloit en France. Le siecle des Corneille, des Pascal et des Moliere fut celui d’un Cavalier Marin, d’un Achillini et d’une foule d’Auteurs plus méprisables encore. De sorte que si l’Italie avoit d’abord conduit la France, il fallut ensuite que la France ramenât l’Italie.

Cependant l’éclat du nom Français augmentoit, l’Angleterre se mettoit sur les rangs, et l’Italie se dégradoit de plus en plus. On sentit généralement qu’un Pays qui ne fournissoit plus que des Baladins à l’Europe ne donneroit jamais assez de considération à sa Langue. On observa que l’Italie n’ayant pû, comme la Grèce, annoblir ses différens dialectes, elle s’en étoit trop occupée[1]. À cet égard, la France paroît plus heureuse ; les patois y sont abandonnés aux Provinces, et c’est sur eux que le petit Peuple exerce ses caprices, tandis que la Langue nationale est hors de ses atteintes.

Enfin le caractere même de la Langue Italienne fut ce qui l’écarta le plus de cette uni-

  1. Le Dante avoue que de son tems on parloit quatorze dialectes indistinctement en Italie, sans compter ceux qui étoient moins connus. Aujourd’hui la bonne compagnie à Venise parle fort bien le Vénitien, & ainsi des autres États. Leurs Piéces de Théâtre ont été infectées de ce mélange de tous les jargons. Métastase, qui s’est tant enrichi avec les Tragiques Français, vient enfin de porter sur les Théâtres d’Italie une élégance & une pureté continue dont il ne sera plus permis de s’écarter.