Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/35

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bandonne pas, & à quelque régime que leurs gouvernements les ayent mis l’un & l’autre, ils n’ont jamais perdu cette premiere empreinte. Le Français cherche le côté plaisant de ce monde ; l’Anglais semble toujours assister à un Drame : de sorte que ce qu’on a dit du Spartiate & de l’Athénien, se prend ici à la lettre ; on ne gagne pas plus à ennuyer un Français qu’à divertir un Anglais. Celui-ci voyage pour voir ; le Français pour être vû. On n’alloit pas beaucoup à Lacédémone, si ce n’est pour étudier son Gouvernement ; mais le Français, visité par toutes les Nations, peut se croire dispensé de voyager chez elles comme d’apprendre leurs Langues, puisqu’il retrouve par-tout la sienne. En Angleterre, les hommes vivent beaucoup entr’eux ; aussi les femmes qui n’ont pas quitté le tribunal domestique, ne peuvent entrer dans le tableau de la Nation : mais on ne peindroit les Français qu’en profil si on faisoit le tableau sans elles ; c’est de leurs vices & des nôtres, de la politesse des hommes & de la coquetterie des femmes, qu’est née cette galanterie des deux sexes qui les corrompt tour-à-tour, & qui donne à la corruption même des formes si brillantes & si aimables. Sans avoir la subtilité qu’on reproche aux Peuples du midi & l’excessive simplicité du nord, la France a la