Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/43

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mais, comme une liqueur déjà saturée, elle ne put recevoir ces nouveaux élémens : ils ne tenoient pas ; on les vit tomber d’eux-mêmes.

Les malheurs de la France sous les derniers Valois, retarderent la perfection du langage ; mais la fin du regne de Henri IV & celui de Louis XIII, ayant donné à la Nation l’avant-goût de son triomphe, la Poésie Française se montra d’abord sous les auspices de son propre génie. La prose plus sage ne s’en était pas écartée comme elle ; témoins Amyot, Montagne & Charon ; aussi pour la premiere fois peut-être, elle précéda la Poésie qui la devance toujours.

Il manque un trait à cette foible esquisse de la Langue Romance ou Gauloise. On est persuadé que nos Peres étoient tous naïfs ; que c’étoit un bienfait de leur tems et de leurs mœurs, & qu’il est encore attaché à leur langage : si bien que certains Auteurs l’empruntent aujourd’hui, afin d’être naïfs aussi. Ce sont des vieillards qui, ne pouvant parler en hommes, bégayent pour paroître enfants ; le naïf qui se dégrade, tombe dans le niais. Voici donc comment s’explique cette naïveté gauloise. Tous les Peuples ont le naturel : il ne peut y avoir qu’un siecle très-avancé qui connoisse et sente le naïf. Celui que nous