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sance des Lettres la fit tout-à-coup rebrousser vers la barbarie. Une foule de Poëtes s’élevèrent dans son sein, tels que les Jodelle, les Baïfs et les Ronsard. Epris d’Homere & de Pindare, & n’ayant pas digéré ces grands modèles, ils s’imaginerent que la Nation s’étoit trompée jusques-là, et que la Langue Française auroit bientôt les beautés du Grec, si on y transportoit les mots composés, les diminutifs, les péjoratifs, et surtout la hardiesse des inversions, choses précisément opposées à son génie. Le Ciel fut porte-flambeaux, Jupiter lance-tonnerre ; on eut des agnelets doucelets ; on fit des vers sans rime, des hexamètres, des pentamètres ; les métaphores basses ou gigantesques se cacherent sous un style entortillé : enfin ces Poëtes lacherent le Grec tout pur, & de tout un siecle on ne s’entendit point dans notre Poésie. C’est sur leurs sublimes échasses que le burlesque se trouva naturellement monté, quand le bon goût vint à paroître.

À cette même époque les deux reines Médicis donnoient une grande vogue à l’Italien, & les Courtisans tâchoient de l’introduire de toute part dans la Langue Française. Cette irruption du Grec & de l’Italien la troubla d’abord ;

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