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que de l’esprit & des graces françaises : tout se faisoit au nom de la France, & notre réputation s’accroissoit de notre réputation.

Aux productions de l’esprit se joignoient encore celles de l’industrie : des pompons & des modes accompagnoient nos meilleurs livres chez l’Etranger, parce qu’on vouloit être par-tout raisonnable & frivole comme en France. Il arriva donc que nos voisins, recevant sans cesse des meubles, des étoffes & des modes qui se renouvelloient sans cesse, manquerent de termes pour les exprimer : ils furent comme accablés sous l’exubérance de l’industrie française ; si bien qu’il prit comme une impatience générale à l’Europe, & que, pour n’être plus séparé de nous, on étudia notre Langue de tous côtés.

Depuis cette explosion, la France a continué de donner un Théâtre, des habits, du goût, des manieres, une Langue, un nouvel art de vivre & des jouissances inconnues aux États qui l’entourent : sorte d’empire qu’aucun peuple, je sache, n’a jamais exercé. Et comparez-lui, je vous prie, celui des Romains qui semerent par-tout leur langue & l’esclavage, s’engraisserent de sang, & détruisirent jusqu’à ce qu’ils fussent détruits !