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Quoiqu’il en soit, l’événement a démontré que la Langue Latine étant la vieille souche[1], la Langue de nos vainqueurs & de nos pères, c’est un de ses rejettons qui devoit fleurir en Europe. On peut dire en outre que si l’Anglais a l’audace des Langues à inversions, il en a l’obscurité, & que sa syntaxe est si bizarre, que la regle y a quelque fois moins d’applications que d’exceptions. On lui trouve des formes serviles qui étonnent dans la Langue d’un peuple libre, & la rendent moins propre à la conversation que la Langue Française, dont la marche est si leste & si débarrassée. Ceci vient de ce que les Anglais ont passé du plus extrême esclavage à la plus haute liberté politique ; & que nous sommes arrivés d’une liberté presque démocratique à une Monarchie absolue. Les deux Nations ont gardé les livrées de leur ancien état, & c’est ainsi que les Langues sont les vraies médailles de l’histoire. Enfin la prononciation de cette langue, n’a ni la plénitude ni la fermeté de la nôtre.

J’avoue que la Littérature Anglaise offre des monuments de profondeur & d’élévation qui seront l’éternel honneur de l’esprit-humain, et cependant leurs livres ne sont pas devenus les

  1. On sait bien que le Celte présente les radicaux d’une foule d’expressions dans toutes les Langues de l’Europe à peu près, sans en excepter la Grecque & la Latine. Mais on suit ici les idées reçues, sur le Latin & l’Allemand ; & on les considere comme des Langues meres qui ont leurs racines à part.