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vages plus harmonieusement organisés que nos Ancêtres, les vers & les Dieux regnerent long-tems avant la prose & les Rois. Aussi peut-on dire que leur Langue fut long-tems chantée avant d’être parlée ; & la nôtre, à jamais dénuée de prosodie, ne s’est dégagée qu’avec peine de ses articulations rocailleuses. De-là nous est venue cette rime, tant reprochée à la versification moderne, & pourtant si nécessaire, pour lui donner cet air de chant qui la distingue de la prose. Car la Musique est cachée dans le langage, comme la danse dans la marche ordinaire, & c’est la rime, la mesure & l’harmonie imitative qui développent cette partie musicale des Langues. Au reste, les Anciens n’eurent-ils pas la rime des mesures comme nous celui des sons ; & n’est-ce pas ainsi que tous les Arts ont leurs rimes, qui sont les symétries ! Un jour, cette rime des modernes, si fatiguante pour l’oreille, aura de grands avantages pour la postérité : car il s’élevera des Saumaises qui compileront laborieusement toutes celles des Langues mortes ; & comme il n’y a presque pas un mot qui n’ait passé par la rime, ils fixeront par-là une sorte de prononciation semblable à la nôtre ; ainsi que par les loix de la mesure, nous avons fixé la valeur